Publié le 26/04/21 –
Après plusieurs tentatives sous les précédentes législatures, un article visant à garantir les droits et libertés des personnes en situation de handicap vient d’être inséré dans la Constitution belge. Désormais, le Titre II contient un article 22 ter qui établit que « Chaque personne en situation de handicap a le droit à une pleine inclusion dans la société, y compris le droit à des aménagements raisonnables ».
Unia se réjouit de l’ancrage constitutionnel des droits à l’inclusion et aux aménagements raisonnables qui vient rappeler avec force les obligations de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et de la législation antidiscrimination.
Des termes bien choisis
Alors qu’initialement, il était question d’« intégration » et de « personne handicapée », le législateur a expressément fait le choix d’adopter un article garantissant le droit à une pleine « inclusion » pour les « personnes en situation de handicap ». Unia et les organisations représentatives avaient plaidé en ce sens lors de leur audition par la commission des Affaires institutionnelles du Sénat. Cette terminologie est en effet plus conforme à la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) que la Belgique s’est engagée à respecter depuis sa ratification en 2009. Reconnaître le droit à l’intégration n’est pas suffisant. Il implique la nécessité pour la personne handicapée de pouvoir s’adapter à un système réputé normal si elle veut participer à la vie sociale. La CDPH exige au contraire une inclusion qui suppose que ce soit la société qui s’adapte lorsqu’elle empêche la personne de participer pleinement et également. Par ailleurs, la dimension sociale du handicap mise en avant dans la CDPH se reflète dans la notion de personne en situation de handicap.
Persistance des discriminations
Malgré une protection légale étendue, les personnes en situation de handicap continuent de rencontrer de nombreuses difficultés dans leur vie quotidienne et à être victimes de discrimination. Les derniers rapports d’Unia le démontrent : « Consultation des personnes handicapées sur leur respect de leurs droits (2020) », « Covid et droits humains : impact sur les personnes handicapées et leurs proches (2020) ». Le législateur a donc décidé d’aller plus loin en donnant un ancrage constitutionnel à cette protection et en réaffirmant ses engagements internationaux découlant de la CDPH.
Une fonction de signal importante
L’inscription d’une telle disposition dans la Constitution, norme juridique suprême belge, revêt une fonction de symbole et de signal qui a toute son importance. Elle constitue une étape supplémentaire dans le long parcours de reconnaissance des droits fondamentaux des personnes en situation de handicap mais elle met surtout en lumière la place qui est aujourd’hui donnée à un public trop longtemps resté dans l’ombre. De même, le signal est donné : les droits contraignants de la CDPH ne peuvent plus être ignorés.
Mais aussi des effets juridiques
La deuxième partie de l’article 22 ter (“La loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent la protection de ce droit”) impose des obligations positives aux pouvoirs publics. Chaque législateur, dans son champ de compétences, est tenu de mettre en œuvre de manière progressive le droit constitutionnel de pleine inclusion des personnes en situation de handicap. Le législateur se voit ainsi rappeler avec force les obligations de la CDPH : il est tenu d’adopter des lois qui introduisent des réformes structurelles afin d’éliminer les obstacles à la participation des personnes en situation de handicap.
Cette nouvelle disposition constitue également un levier supplémentaire à une interprétation des lois conforme à la CDPH. Lorsque des normes sont susceptibles d’avoir plusieurs interprétations, les juges doivent en effet choisir celle qui est conforme à la Constitution.
Par ailleurs, le contrôle de toute nouvelle norme qui ne serait pas compatible aux droits fondamentaux à l’inclusion et aux aménagements raisonnables est renforcé. La Cour constitutionnelle, dans le cadre d’un recours en annulation, ou par le biais d’une question préjudicielle, peut sans détour contrôler la conformité des lois et des décrets à l’article 22 ter. Les autres cours et tribunaux peuvent quant à eux décider de ne pas appliquer certaines normes placées en bas de la hiérarchie des normes juridiques (par exemple un règlement communal, un arrêté royal, etc.) s’ils estiment qu’elles sont contraires à l’inclusion des personnes en situation de handicap.
Enfin, l’obligation de standstill s’attache à ce nouveau droit constitutionnel. Même si son effet n’est pas absolu, il signifie que les autorités ne peuvent prendre des mesures qui diminueraient la protection existante dans la Constitution.
article du 1er avril 2021 – consultable sur le site de UNIA